Extrait du livre "Le marché allemand aujourd'hui" Stratégie, vente et management
disponible chez https://bit.ly/2qnXt9y
Chapitres déjà publiés :
Chap. 1 - Stratégie de conquête pour l'Allemagne
Chap. 2 -Allemagne - La demande, le marché...les marchés
Chap. 3 -Politique commerciale et choix de distribution en Allemagne
Chap. 4 -Gestion directe du marché allemand
Chap. 5 -Tactiques de négocation
Chap. 6 - les étapes de la négociation
La politique de concessions, les conditions spécifiques, le positionnement prix doivent être particulièrement étudiés.
La crédibilité passe par un calcul économique des plus stricts de même que, curieusement, une approche relativement intransigeante dans la négociation.
Concessions mutuelles
Allemagne
La pratique de concession peut s’avérer dangereuse en Allemagne dans la mesure où le mode de transaction usuel a pour finalité de parvenir à une offre en tous points dans les normes du marché, mais comportant cependant un « plus ». En effet, si l’offreur à un avantage concurrentiel réel sur un point particulier de son offre, mais n’est pas dans les normes du marché sur d’autres, la négociation séquentielle progressant, point par point, il devra surtout ne pas laisser passer les étapes de négociation où il est en position favorable, sans chercher à les mettre immédiatement en balance avec les « Moins » que peut comporter sa proposition.
Il ne faut jamais lâcher un « Plus », un avantage concurrentiel sans négocier immédiatement une contrepartie, c’est-à-dire l’acceptation d’éventuelles contraintes sur un autre point.
Au fur et à mesure de l’avancement de la négociation, il faut éviter de perdre ses points forts, sous forme de concessions à priori, en signe de bonne volonté. Une concession ne sera que rarement suivie d’un retour automatique le moment venu. Il est hors de question de vouloir bâtir sur l’amitié et la reconnaissance.
« Il ne faut jamais rien céder contre rien, et plus précisément on ne doit pas livrer une chose contre un sentiment. » DUROSELLE Jean Baptiste - TOUT EMPIRE PERIRA
La politique de concessions, les conditions spécifiques, le positionnement prix doivent être particulièrement étudiés.
La crédibilité passe par un calcul économique des plus stricts de même que, curieusement, une approche relativement intransigeante dans la négociation.
Conditions spécifiques
Allemagne
Chez les Allemands, la logique de la négociation séquentielle est de vérifier la pertinence d’une offre sur toutes ses composantes. Les parties sont censées être des professionnels ayant une approche économique des plus strictes. Aussi, une fois une proposition présentée, argumentée et âprement discutée, s’agit-il d’éviter les remises, les conditions dites spéciales de dernière minute, tirées de dessous les fagots, in extremis et non assorties d’une contrepartie les légitimant. Celles-ci sont facteur de perturbation et de doute et déstabilisent complètement la crédibilité globale de la proposition et altèrent la confiance du sécuritaire.
Il vaut mieux remettre la négociation à plus tard voire perdre l’affaire en cours et attendre de pouvoir faire une cotation sur une nouvelle demande.
« Neben dem angemessenen Preis spielt vor allem die Sicherheit der Kaufentscheidung für den Einkäufer die ausschlaggebende Rolle. Dieses Gefühl von Sicherheit bieten ihnen nur starke Verkäufer, die mit Ideen und Konzepten überzeugen können, die die Sicherheit vermitteln, sich für den richtigen Partner entschieden zu haben. » Acquisa.
« Lors de la prise de décision, l’acheteur a besoin d’avoir la certitude d’avoir obtenu le juste prix et de maîtriser tous les éléments de la transaction. Cette sensation de sécurité ne leur est procurée que par des vendeurs qui savent argumenter de manière constructive avec des idées et des concepts, leur donnant ce faisant la certitude d’avoir opté pour le bon partenaire. » Acquisa, Journal allemand de la Vente.
Il faut donc avoir effectué un calcul de prix extrêmement précis, non susceptible de remises complémentaires.
France
Pour un Français qui a pratiqué une transaction globale, donc relativement imprécise, avec un partenaire qui est devenu un ami, il est clair que la négociation progressera pas à pas, par concessions mutuelles, pour parvenir à la finalisation d’une offre qui soit conforme à l’intérêt objectif des deux parties.
C’est le principe de la création d’obligations réciproques, le Giri japonais, au demeurant largement pratiqué par devers le monde.
Ceci présuppose que, lorsqu’un point de la négociation deviendra important pour l'autre partenaire, le premier, redevable, fasse un geste, à son tour, pour équilibrer les avantages.
Il faut donc avoir prévu une base de négociation large pour faire des remises et accorder des « Plus » produits.
Le prix
Prix d'introduction
La dimension « prix » présente une autre caractéristique intéressante dans une perspective interculturelle.
Allemagne
En négociation séquentielle, il se sera acharné à obtenir le rapport Qualité/Prix le plus performant. Il sera hors de question que les relations interpersonnelles justifient une dégradation de ses positions.
En outre, les tentatives de remonter les prix au fur et à mesure seront non seulement déboutées, mais encore très dangereuses pour l’image du fournisseur qui risque d’altérer la confiance et d’être catalogué comme « unzuverlässig ».
En Allemagne on établit une relation de partenariat avec le fournisseur. Les fournisseurs référencés bénéficient de garanties, c’est pourquoi ils sont sensés soumettre le prix le plus juste. On s’interdit de pratiquer les méthodes orientales de marchands de tapis, même si dans l’industrie automobile cela semble être parfois le cas.
La confiance accordée, implique qu’un prix doit être calculé au plus juste ! Sinon on court le risque d’être déréférencé.
Si le premier prix s’écarte trop du prix du marché, le fournisseur sera considéré comme non performant, mis en examen et éventuellement délisté. Ceci peut avoir des conséquences dramatiques, car les chances de refaire affaire après avec le client en question seront quasiment nulles.
France
La négociation interactive implique de se ménager une certaine marge de manœuvre. Il faut avoir prévu de possibles Remises et Concessions. Il s’agit de pratique un « prix flexible ».
Par ailleurs, pour entrer chez un prospect, certains peuvent être enclins à pratiquer des conditions avantageuses sur les premières affaires, considérant que c’est le prix à payer pour mettre un pied dans la place. Leur attente implicite est que une fois le lien relationnel forgé, l’autre deviendra plus souple relativement à ses astreintes financières, ce qui graduellement leur permettra de restaurer leur valeur ajoutée et ce notamment sur les affaires futures.
Cette tactique sera totalement destructrice en face du sécuritaire.
Prix – Contre-argumentation
Allemagne
Tout a été misé sur la qualité. Des objections quant au prix sont considérées comme une remise en cause de la qualité éprouvée des prestations et/ou produits. (Comment, vous remettez en cause la bonne qualité de nos produits/prestations ?).
Dans un 1° temps, les caractéristiques, utilités et avantages client sont réaffirmés.
Dans un second temps
- Avec des clients A, la négociation consistera à tout mettre à plat et à procéder à un calcul économique avec le client
- Avec les clients B, on visera à maintenir son prix avec les cas échéant des contreparties additionnelles
- Avec des clients C on ne négociera même pas – take it or leave it –en arguant « bei uns ist es so », le célèbre « positional bargaining »
France
Un prix non négociable n’est en général pas accepté par les Français.
Ici le „Positional bargaining“ selon l’expression allemande „Bei uns ist es so“ (chez nous c’est comme ca) est proscrit. « Never say, take it or leave it ».
Les négociations sont considérées comme un défi intellectuel. D’autre part, la décision finale –après la négociation au niveau opérationnel – appartient en définitive à la hiérarchie qui à ses propres critères décisionnels qui ne seront pas nécessairement opérationnels mais stratégiques ou tout bonnement relationnels.
Les aspects psychologiques de la négociation
Allemagne : La progression de l’implication psychologique dans la négociation
On pratiquera généralement une négociation relativement dure et témoignera d’une forte pugnacité dans les affaires. Il s’agit pour l’individu, d’optimiser ses intérêts. Aussi la courtoisie ne sera-t-elle pas forcément la finalité, ni le préalable d’une négociation.
Lors d’un premier contact, il vérifiera simplement si l’acteur qui lui fait face est sérieux, présente un intérêt quelconque sinon il n’aura guère tendance à s’impliquer. N’ayant pas d’enjeu le ton de la relation sera neutre et la tension psychologique moyenne voire faible.
Par contre, lorsqu’un « Plus », un avantage concurrentiel entrant dans une logique opérationnelle d’actualité aura été décelé, quand l’intérêt deviendra marqué et que l’offre commence à prendre rang de véritable enjeu stratégique, la tension montera et la négociation sera de moins en moins sereine.
L’avantage concurrentiel qu’il aura décelé devra être optimisé. Il cherchera à pousser les feux, menant une « négociation extrême » de manière à amener l’offreur dans sa « proposition ultime », dans sa performance maximale, d’autant plus qu’une fois la transaction achevée, il se tiendra aux dispositions convenues pour longtemps.
Il s’agit d’une stratégie de négociation offensive qui semble relever de la technique du grignotage des positions. Le négociateur veut se garantir d’avoir obtenu l’offre la plus performante du marché, ne serait ce que pour ne pas avoir à y revenir ultérieurement. Dans les faits, une fois la négociation aboutie, en retour on sera payé en continuité et en fidélité ce qui est assurément un avantage.
Dans la négociation, il est donc considéré comme normal que l’on cherche à pousser au maximum l’exploitation de ses avantages. Ceci veut dire que lorsque le négociateur sent du « mou » il tentera de « pousser le bouchon » au plus loin. « Probieren kostet ja nichts » dit-on dans ce pays. Il faut donc négocier, pied à pied.
France : Prise de position et affirmation de ses intérêts
Ces attitudes extrêmement combatives sont ressenties comme choquantes par les Français, qui peuvent en déduire que le vis-à-vis ne respectant pas le principe d’harmonie serait totalement désintéressé par les propositions faites.
En fait, il s’agit d’un processus inverse. Plus la tension monte, plus il faut en interpréter que l’objet de la transaction relève d’un enjeu stratégique important, que l’intérêt est grand. Ce qui est bon signe et facteur d’espoir.
Il ne faut donc pas se laisser déstabiliser par ces tactiques de combat qui si elles sont destinées au vis à vis, constituent aussi et surtout, de l’auto-encouragement pour l’Allemand qui vit le stress fondamental à la perspective de n’avoir pas l’offre la plus intéressante.
Contre-argumentation
Allemagne
En vertu de la soi-disant objectivité (Sachlichkeit), les Allemands s’autorisent à être relativement directs avec leur interlocuteur (Direktheit). Le dialogue est très franc, direct, et il n'y a pas de tabous. On dit clairement ce qui va et ce qui ne va pas. Cette approche directe est considérée comme positive car franche.
La formulation d’éventuelles objections est à l’avenant.
La réponse doit l’être tout autant ; il faut, par dérogation à toute prétendue règle de courtoisie, prendre position de manière affirmée sinon tranchée.
Les objections doivent être traitées immédiatement, point par point. C’est encore le principe de « la négociation séquentielle ». Dans la mesure où le négociateur est sûr de son fait, il doit se montrer ferme sinon inflexible, considérant que l’on ne respecte que les gens qui font preuve de fermeté (et ce faisant, s’affirment comme des professionnels structurés).
France
Tout client est angoissé à la perspective de devoir prendre une décision.
Les objections sont une réaction normale sur un marché concurrentiel. Dans une négociation itérative les objections sont incontournables. Elles résultent la plupart du temps des arguments reflétant les points positifs des concurrents. Il ne s’agit ici ni d’une tactique dilatoire, ni même d’une « filouterie » pour parvenir à des compromis.
Le client qui formule une objection prouve qu’il a étudié l’offre et ceci démontre clairement un intérêt de principe. Nous sommes toujours en lice au plan de la négociation.
En l’absence de questions ou d’objections, on peut d’ailleurs considérer que notre offre ne présente aucun intérêt.
Les Français, très attentifs à une bonne communication, à un bon contact avec les autres, ont des antennes réceptives largement déployées et n’ont pas besoin de pratiquer une communication « chargée de messages forts » pour se comprendre.
Les contre-argumentations sont exprimées de façon soft.
Traitement idéal des objections
Allemagne
La technique d’entretien DESC n’est pas un outil naturel en Allemagne. Il s’agit d’en faire une force.
D Décrire
E Exprimer
S Suggérer
C Conclure
Décrire
But : la vérification et la qualification
Il faut vérifier le bien-fondé de l’intervention. Si on entre dans le jeu des affirmations, il y a surenchère et on n’avance pas. Il est donc important de déceler s’il s’agit
- d’un prétexte « Vorwand aus dem Bauch heraus », qu’il faudra évacuer,
- ou d’un véritable argument de fond « Einwand », pour lequel il faudra argumenter en retour.
Il ne faut pas risquer d’argumenter sur des non-réalités, éviter de perdre du temps et de faire perdre la face à son interlocuteur.
Une objection pouvant en amener une autre, il faut obliger l’autre à expliciter ses appréhensions.
Moyens :Pas d’affirmations, ni de contradictions, les prises de position génèrent de la résistance « keine technischen Kriege führen ». Les questions ont une vertu éducative et n’offrent guère de capacité de répartie.
Il faut amener l’autre à rationaliser ses interrogations, lui faire préciser les attentes : qui, où, quand, comment, pourquoi ?
Il s’agit de faire
- une analyse exhaustive de la situation,
- lui faire exprimer ses incertitudes afin de pouvoir les traiter
- ou, si l’intervention n’est pas fondée, le disqualifier aux yeux de ses pairs, considérant que s’il n’arrive pas à formaliser ses inquiétudes alors que l’on aura montré de bonnes intentions à son égard, c’est désormais son problème, et on peut ignorer l’objection. ðeffet dissuasif pour la prochaine fois.
Exprimer
But : mettre en place un processus win win
Pour les arguments légitimes, il faut afficher sa solidarité et sa compréhension « nous en sommes à ce stade, tels points ont été actés, mais ici il vous semble que….
Résumer, reformuler pour :
- Quantifier et qualifier les phénomènes,
faire baisser la garde et mettre en confiance pour pouvoir rebondir,
positiver pour pouvoir établir une position favorable. - Eviter les sollicitations à rebondissement,
être exhaustif pour que l'autre partie ne soit pas légitimeà y revenir, à en rejouter.
Exprimer ne veut pas dire acquiescer a priori, mais constater la nécessité d’examen.
Moyens :
Reformuler pour se garantir que l’on a bien circonscrit le problème.
« Si je vous ai bien compris…
En le cas d’espèce, si c’est effectivement ainsi… « das kann ja wohl nicht wahr sein… », « Unter diesen Umständen… », « Ich danke Ihnen für die Anregung… »
Effet de surprise par une attitude humaine ouverte
- L’empathie est une force
Suggérer
But : vérifier si l’autre n’a pas émis des hypothèses de travail fausses ou exagérées ou exagérément prudentes. Faire relativiser « en avez-vous vraiment besoin ? » selon une technique de marginalisation de la contre-argumentation.
Moyens :
- Nouveau questionnement sur base d’un arbre des causes » ou « arbre de défaillance »
Afficher ses interrogations, affiner le questionnement
« Il nous semble que c’est une approche originale, mais que personne n’a jamais pratiqué »
« A notre niveau nous craignons une incidence négative sur tel ou tel point…- avez-vous expérimenté la question ?
- avez-vous lu une publication qui permette de valider la proposition ?
- sur quoi vous basez-vous pour imaginer que cela puisse marche ?
- Lui faire expliquer sa marge de manœuvre, son « Spielraum »
- Les paramètres sont-ils non négociables ?
- « Brauchen Sie das wirklich so? warum wollen Sie das so? wissen Sie, dass das folgende konzequenzen hat?“
- Et si on le voyait comme ça ?
- Et si on posait d’autres préalables, d’autres pré-requis ?
- Rappeler l’objectif pour faire dépasser les moyens « Wie wäre es wenn…, könnten Sie damit leben?
Conclure
But :
- S’il y a eu une réponse -endogène ou exogène- satisfaisante, on passe outre
- Si l’objection n’a pas pu être évacuée par le DES(C)
- 1 – si Décrire n’a pas réussi à évacuer le Vorwand
- 2 – si Exprimer a admis qu’il y a une réelle problématique à traiter
- 3 – si Suggérer n’a pas réussi à marginaliser le problème et qu’il s’agit effectivement d’une véritable objection fondée, un véritable Einwand,
il faut conclure, contre-argumenter sur le fond.
Moyens :
- D’abord contre-argumenter sur le fond (voir plus avant)
- Si le déminage de la contre-argumentation a échoué par la méthode de questionnement, la charge de la preuve nous est imputée
- Engager des schémas d’action suspensifs
- Qui fait quoi, où, comment…
- Tests
- tests internes, conforter la crédibilité de celui-ci par l’exposé de la logique, les infrastructures, le matériel mis en œuvre, mais aussi la dimension méthodologique, quelle procédure a-t-on appliqué, un standard reconnu par le marché dont on peut témoigner, ou alors une fabrication maison qui est certainement moins crédible.
- tests externes (maximum de crédibilité) par une institution indigène reconnue Expertise –Frauenhofer ou autres… pour valider les nouvelles alternatives techniques proposées
France
Les Français ont besoin de conseils, mais récusent tous impératifs. Ne pas se comporter comme un maître d’école ou un donneur de leçons.
A chaque contre-argument, et plus particulièrement quand il y a un problème de compréhension, il ne faut pas à tout prix vouloir se distinguer en contre-argumentant directement et en affirmant ses compétences – mais poser constamment de nouvelles questions (« pourquoi dites-vous cela… ? », « que voulez-vous dire par là….).
Il est très important de vérifier qu’on a bien identifié et bien compris les besoins fondamentaux du partenaire, car ceux-ci doivent a posteriori être répétés et résumés explicitement, c’est-à-dire reformulés.
Comment traiter les objections ? avec des questions !
Avant d’argumenter, il faut identifier la cause de l’objection.
En cas de doutes, il est recommandé de mettre en œuvre la méthode DESC, qui consiste à dédramatiser et identifier la réalité d’une contre-argumentation.
Il s’agit de
- décoder la réalité de l’objection
- et de réagir avec une démarche méthodologique correspondant au naturel empathique.
La technique d’entretien DESC permet de qualifier, puis de traiter l’objection par une démarche adulte-adulte et win win.
Il s’agira de la mettre en œuvre en Allemagne également comme vu précédemment.
Variantes de contre-argumentations
Allemagne
En Allemagne l’argumentation principale repose sur la logique.
La logique
Chiffres à l’appui (selon l’expression consacrée ZDF Zahlen Daten Fakten qui veut dire ; des chiffres, des données, des faits …) voire de références (« on a fait ceci pour l’entreprise XY ») ou d’homologations officielles, on démontre qu’on dispose du savoir-faire nécessaire.
Si la contre-argumentation basée sur la logique n’est pas concluante d’emblée, parce que les éléments de preuve apportés ne sont pas suffisants et que la logique manque de cohésion, il ne faut pas se cramponner aux détails et avant tout éviter les guerres techniques.
La rhétorique pour le traitement des contre-argumentations de moindre importance
Lorsque la contre-argumentation est mineure, il faut essayer de trouver un autre type de raisonnement.
La rhétorique est l’art de convaincre l’autre en soupesant les avantages et inconvénients, de l’offre.
En l’occurrence il s’agit de mettre en avant tout les points positifs, de parvenir à faire valider les caractéristiques clés de notre offre par le client, ce qui aura, le cas échéant, pour effet de lui faire tolérer le point négatif.
„Exigence 1, satisfaite ; d’accord ?
„Exigence 2, satisfaite ; d’accord ?
„Exigence 2, satisfaite ; d’accord ?
Pour l’exigence 4, il y a un problème. Nous avons réalisé plusieurs chiffrages, malheureusement ça ne va pas ».
Si la plupart des critères sont satisfaits, on peut tenter de faire passer un point négatif, pour autant que ce ne soit pas un Ko Kriterium, bien entendu. C’est la collection des « oui » qui peut faire pencher la balance. Elle pourra être assortie de la question „Avez-vous vraiment besoin de ça ? » pour tenter d’arriver à une solution pertinente à hauteur de 80, voire 90 % du cahier des charges initial.
Bien évidemment cette démarche implique que dans la panoplie des Oui il y en ait un qui pèse suffisamment.
La dialectique comparative quand tout est perdu
Si ni la logique ni la rhétorique n’ont permis de l’emporter, il n’y a pas d’autre alternative que de remettre en question les préalables du client en les invalidant par référence à la concurrence à la fois comme marqueur positif (si vos concurrents utilisent nos solutions c’est que ca marche) et comme marqueur négatif (sous-entendu, si vous décidez de ne pas mettre en œuvre nos solutions vous allez perdre de la compétitivité). Il s’agira bien entendu de ne se référer qu’aux concurrents qui sont des véritables challengers sur le marché en question et qui peuvent représenter un danger pour notre client potentiel.
La référence à la concurrence qui peut par contre être considérée comme de la provocation par le négociateur français est un levier relativement efficace en Allemagne.
Eviter l’évitement. Effets négatifs d’une position « positiviste »
En cas de difficultés dans une négociation, il s’agit d’éviter la réactivité au second degré, le contournement féminin, recommandé par le principe d’harmonie qui voudrait « laisser passer le grain » pour reprendre la transaction ultérieurement.
Il faut aussi éviter la gestion des problèmes par « étouffement dialectique » c’est-à-dire des déploiements rhétoriques conséquents qui ne seraient perçus que comme une technique de diversion par « bavardage et radotage » visant à noyer le poisson, à créer un écran de fumée pour ne pas avoir à tenir ses engagements.
L’Allemand en déduira que son vis-à-vis ne sait pas ce qu’il veut, ou pire, qu’il dissimule, auquel cas il craindra la possibilité d’entourloupes, ce qui compte tenu de son obsession de construction de relations tangibles fondées pour le long terme le déstabilisera grandement.
Qui ne s’affirme pas au motif de courtoisie se discrédite et sera vite catalogué comme facteur d'incertitude, « unzuverlässig ».
Les formules d'approbation provisoire du type « pourquoi pas » « on verra » ou du type du « Oui Gaullien » qui ne signifie pas « oui je suis d’accord » mais, « oui ... je vous ai compris, mais je ne m’engage pas de façon certaine », provoquent des effets totalement contraires qui ne seront pas de bon augure pour la suite des événements.
Le fait que l’individu s’adapte aux circonstances et développe une argumentation évolutive en fonction des besoins pressentis, n’est pas de nature à simplifier les choses.
Ce type d’attitude décodée comme ambiguë donnera lieu soit à un rejet si l’offre paraît moyennement pertinente soit à une exploitation totale si la proposition intéresse fortement le vis-à-vis. Ne rencontrant pas de limites, il cherchera à optimiser ses positions en poussant le bouchon de plus en plus loin, jusqu’au moment où le négociateur aura dû céder tellement de terrain que la transaction deviendra totalement ingérable.
L'Allemand considérera, au demeurant que ce qui a été évoqué est acté. En rentrant chez lui, il fera un « Aktenvermerk », c’est-à-dire une note dans son dossier, voire il établira une confirmation d'entretien, « Gesprächsnotiz » ... A partir de là, les éléments évoqués prendront force de loi à ses yeux,... ce qui en fera des bombes à retardement car ultérieurement il réclamera équité, en toute légitimité.
De ce fait lorsqu'il y a incertitude, lorsqu'ils ne sont pas sûrs de leurs positions, les Allemands, ne prennent pas d’engagements verbaux, ne font pas de promesses, mêmes conditionnelles, car ils savent que leur vis-à-vis les considérera à la lettre, prendra acte pour dûment fixer les engagements réciproques. « Ein Mann, ein Wort » dit-on.
Ils ne s'avancent pas à la légère de crainte que leur partenaire ne les bloque dans leurs assertions/engagement « dass er sie festnagelt ». De ce point de vue lorsqu'un commercial est censé être en phase de prospection, s’il n’a pas le sentiment d'avoir toutes les armes pour aller défendre ses intérêts, il fait un blocage au point qu’il lui est impossible de se déplacer en clientèle.
Finalisation d’une négociation
Allemagne
A l’issue de la négociation, les Allemands veulent amener le partenaire à passer à l’acte rapidement, il faut fixer des délais et des échéances et passer aux choses concrètes « Nägel mit Köpfen machen ». Il fait immédiatement faire un échéancier.
Point de tests pour voir. Quand on commence à travailler avec quelqu’un, c’est binaire : c’est oui ou c’est non, mais cela n’est pas sous réserve de ...
France
Au terme d’un entretien il s’agit généralement de se confirmer par écrit les derniers points de la transaction ce qui implique échange écrit puis nouvelle rencontre.
Suivi d’une offre
Perspectives psychologiques –en Allemagne
En Allemagne on part du principe que l’on est le fournisseur attitré et que le client n’aura pas recueilli de multiples offres. Par ailleurs, comme les Allemands fonctionnent selon une méthode de travail monochrone, c’est-à-dire qu’ils procèdent par étapes, une chose après l’autre, ils considèrent que le client potentiel se manifestera aussitôt qu’il en sera à l’étape de l’étude de l’offre. Dans cette optique, il faut lui laisser le temps. Relancer est considéré comme inconvenant.
France
La méthode de travail des Français est polychrone. Cela signifie qu’ils traitent plusieurs tâches simultanément et qu’ils ont toujours plusieurs fers au feu. A ceci s’ajoute qu’ils négocient selon la méthode itérative, c’est-à-dire simultanément avec plusieurs offreurs en pratiquant la concurrence perpétuelle et ce, jusqu’à la signature du contrat.
C’est pourquoi en France il faut absolument rester vigilant et relancer rapidement et suivre son client comme le lait sur le feu.
Le respect de normes relationnelles, la moralité ou « la transaction intéressée ».
Il importe, à ce stade de la négociation, de s’interroger également sur la valeur des transactions et sur la celle des engagements. D’une manière générale, on peut considérer que ...le sérieux, la morale et l’acceptation de règles sociales et professionnelles relèvent de la « transaction intéressée ». Les individus peuvent en effet avoir des pratiques comportementales variables à l’égard de tiers selon le degré de dépendance à leur encontre.
Indépendamment de la question de l’interpénétration des intérêts il se trouve que les lois morales peuvent en outre être interprétées de manière variable selon le degré d’affinités relationnelles au cocontractant et ce, selon trois cercles concentriques :
- Groupe social et professionnel immédiat ; la loi morale sera généralement vécue de manière stricte. Même en temps particulièrement difficiles, elle demeurera impérieuse.
- Nationaux non proches, avec groupes éloignés ; elle peut être attiédie et à portée graduellement relativisée, ceci dit, elle ne sera transgressée qu’en s’entourant de moult précautions.
- Eléments exogènes ; l’individu pourra être amené à avoir une pratique morale plus que relative. Lorsqu’il y a urgence en la demeure, un enjeu majeur, il pourra arriver que la morale soit littéralement évacuée. A l’égard des hors groupe, des hommes du dehors, des non-alliés, présumant que la sanction morale ne sera pas aussi formelle, il peut arriver que l’on s’autorise une forme de tolérance. Comme quoi, comme partout, la morale peut être à géométrie variable.
Allemagne
La recherche de sécurité implique de l’écrit. En cas de difficultés, si la relation de dépendance à l’égard du cocontractant est forte, on connaîtra une forte propension à l’acceptation spontanée et volontaire des règles de la morale économique qui sont autant de facteurs de garantie pour soi-même.
Si la relation de dépendance est faible, lâche, banalisée et que le contact est interchangeable, le naturel peut rapidement reprendre le dessus pour l’application de la loi du plus fort et la pratique de relations froides et prédatrices. Si les Latins sont présumés roublards et si la germanité semble bénéficier d’un a priori positif, d’une image de sérieux irréprochable et d’une fiabilité conséquente, il ne faut pas se leurrer... on n’oubliera pas que « Geschäft ist Geschäft und Schnaps ist Schnaps ». (Les affaires c’est les affaires et le schnaps c’est le schnaps)
Il s’agit de ne pas être angélique à l’égard des Allemands fortement engagés dans la compétition économique. L'Allemand sera essentiellement fiable à l’égard des siens, ou de ceux avec lesquels il est dans une relation dépendante, ou encore de ceux qui auront pris la précaution de doter leurs intérêts d’une capacité à « sanction légale », c’est-à-dire qui auront inséré la transaction dans une relation de droit parfaitement structurée. A défaut, on risque des surprises.
"Nothing is more easily broken than a man's word." Thomas HOBBES - Philosophie politique -de cive-
Un engagement contractuel formel et écrit est à préconiser à tous les niveaux. Il s’agit de contractualiser, de documenter, de tout formaliser. Traiter sur d'autres bases relève de la facilité, du laxisme, de la faute professionnelle.
Il s’agit en outre d’être extrêmement précis, car ce qui n’est pas mis noir sur blanc pourra être interprété et jugé en fonction des pratiques et coutumes locales. La loi sur les Conditions Générales de Ventes stipule que les clauses surprenantes et obscures sont non seulement nulles et non avenues, mais encore interprétées en défaveur de leur émetteur.
Si à l'occasion d'un entretien commercial des positions ont été prises de manière dérogatoire par rapport à la documentation et aux conditions standards, aux pourparlers antérieurs, il conviendra immédiatement de confirmer par écrit les éléments de l'entretien, de manière extrêmement détaillée afin d'éviter toute équivoque.
France
Darwinien, l’individu peut considérer qu’une décision est un engagement à un moment T et s’il se laisse aller à des engagements écrits et documentés, ceux-ci ont essentiellement valeur de cadre. Si un paramètre de l’environnement venait à modifier l’équilibre global de la relation, il y aurait de toute façon obligation réciproque de s’adapter et de réviser ses positions et si, en cas de besoin, ce processus de régulation ne se met pas en place naturellement, la confiance, l’intuitu personae est rompu. On estimera généralement que ses intérêts étant lésés et le capital de confiance en l’autre altéré, il ne lui restera qu’à se dégager de ses engagements, à opérer un retrait contractuel, ce qu’il fera, quels qu’en soient les moyens et les coûts.
La valeur de l’écrit étant relativisée, lorsque l’on est en affaires il convient de se rappeler en permanence les engagements mutuels et les objectifs des uns ou des autres, de façon que, par la répétition, ils demeurent vérités intangibles.
Extrait du livre "Le marché allemand aujourd'hui" Stratégie, vente et management
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