Allemagne - Tactiques de négociation

Posté le | Par Gilles UNTEREINER

 

Extrait du livre "Le marché allemand aujourd'hui" Stratégie, vente et management
disponible chez https://bit.ly/2qnXt9y

Chapitres déjà publiés : 


Chap. 1 - Stratégie de conquête pour l'Allemagne

Chap. 2 -Allemagne - La demande, le marché...les marchés

Chap. 3 -Politique commerciale et choix de distribution en Allemagne

Chap. 4 -Gestion directe du marché allemand

 

Chapitre 5 - Tactiques de négociation

Curieusement les entreprises allemandes sont caractérisées par deux attitudes antinomiques, à savoir d’une part une quête permanente au plan des évolutions sur le marché et d’autre part une attitude extrêmement prudentielle dans l’intégration de la nouveauté, qu’il s’agisse d’un produit ou d’un fournisseur. Cette attitude se double d’un ethnocentrisme conséquent qu’il va falloir circonvenir.

Les techniques d’approche et de négociations sont différentes. Il va falloir inverser sa démarche en passant d’une approche dite « orientée client » à une approche orientée « orientée produit ».

En fait il faut être très directif, ce qui ne peut se faire qu’après une réflexion marketing intense au préalable.

Lorsque la stratégie de négociation a été définie et les contacts établis, on passe enfin aux étapes tactiques de la négociation.

 

Les activités commerciales sont influencées par la culture nationale.

En matière de stratégie de négociation, nous avons pu constater de nombreuses différences entre les Allemandes et les Français. Les tactiques de négociation sont également très différentes, ce qui peut générer bien des malentendus liés à des différences culturelles.

Il faut s’efforcer de ne pas enfreindre les bonnes mœurs, afin de ne pas générer de mécontentement.

On relève traditionnellement quatre étapes principales au niveau d'une négociation :

  • La prise de contact, pour appréhender l’autre dans ses perspectives existentielles
  • L'échange d'informations, pour connaître ses besoins
  • La persuasion, pour convaincre
  • La négociation, pour conclure

Selon les univers culturels, le contenu de ces étapes tactiques risque bien évidemment d’être différent.

Entrée en Contact et recherche d'interconnaissance

La première impression est souvent la bonne et ce, surtout quand elle est mauvaise !

Allemagne Principe sécuritaire 

Le contexte


L’Allemand se fait obligation de cerner son environnement et pratique une veille technologique et concurrentielle permanente pour identifier non seulement les offres, mais aussi les offreurs, les structures économiques pouvant être une menace ou une opportunité pour son entreprise.

Il recevra donc aisément d’éventuels solliciteurs, mais préalablement à toute autre problématique, il importera pour lui de mesurer l’intérêt strictement professionnel du contact. Dans sa première relation avec un tiers, estime et affection lui sont indifférents. Il sera donc peu intéressé par l'homme en face de lui et ne cherchera guère les affinités privées avec son interlocuteur, bien au contraire.

Il  évitera de laisser borner le jeu de ses intérêts par des interrelations affectives. Même entre gens qui se fréquentent de longue date, il s’agit de ne pas donner prise à l’autre, de ne pas accepter l’engagement de liens interpersonnels fragilisants.

 L’Allemand sera a priori prudent à l’égard de toute nouvelle relation d’affaires. Ouvert mais prudent.

Le premier contact n’est jamais significatif. C'est surtout un contact de reconnaissance, de veille.

Forme du premier contact


Intéressé par l’Offre et non par l’Homme qui vient à lui, on cherchera essentiellement à appréhender sa fonction, considérant que la qualité professionnelle de son interlocuteur lui permettra d’apprécier son niveau décisionnel et hiérarchique. Il s’agit non de qualifier l’individu, mais la structure.

Le premier contact sera impersonnel, dénué de tout souci d'interconnaissance, « fonctionnel », anonyme, froid. Au mieux, il comportera une courtoisie distanciée.

Il ne cherchera pas à établir des relations interpersonnelles et, consciemment ou non, il déboutera même toutes démarches dans cette perspective. Un exportateur me disait récemment qu’il vivait ses interlocuteurs allemands comme de vrais « donjons ».

Dans ce contexte il sera hors de question de se livrer à de  larges digressions culturelles ou personnelles. Il vaudra mieux éviter les longs entretiens informels et les repas d'affaires sources de perte de temps.

Cette attitude perdurera dans le temps. Même avec des partenaires de longue date, on  aura peu propension à « déborder » en convivialités exacerbées.

Pour être efficace, l'approche doit être "sachlich" (utilitaire), fonctionnelle. Il s’agit de saluer,  se présenter, c'est-à-dire l'entreprise que l'on représente et sa propre position dans cette structure afin de se faire accepter comme partenaire autorisé et enfin donner le but de sa visite et aller droit au fait en proposant un ordre du jour basé sur la logique suivante :

  • Vous êtes, (votre société, votre activité, vos besoins présumés),)
  • Nous avons, objectif de la présentation. Il s’agit d’être très direct.

Durée du premier contact


Le temps est une ressource "time is money", le temps n’est pas gratuit, le temps est compté et ne doit pas être gaspillé « Zeit nicht umsonst opfern ».

Le temps consacré à un premier contact sera donc mesuré et beaucoup plus limité qu’en milieu individualiste.  Une entrevue professionnelle sera donc généralement brève, utile, objective.

On consacrera au visiteur juste le temps qu'il faut soit  20 à 30 minutes pour un premier entretien. Ceci vaut bien évidemment pour des transactions commerciales courantes. Si le visiteur vient avec un enjeu particulier ou un avantage différenciateur considérable, il aura propension à lui « sacrifier » un peu plus de temps.

Conclusion sur la phase contact


Souvent le premier contact se trouvera être le dernier, alors que sur le fond les parties avaient des raisons objectives de transaction.


France Principe individualiste

But de la première phase d’entrée en contact


Préalablement à l’engagement de relations professionnelles, on opère une tentative d’appréciation mutuelle et font moult digressions pour mesurer les valeurs existentielles de l'autre afin d’évaluer celui-ci sur le fond et apprécier l’intérêt d’investir, de capitaliser sur l'autre en termes relationnels pour ne pas dire affectifs. L’objectif est de créer un climat de confiance et d’amitié.

Il s’agit d’un processus de qualification de l’individu. La phase d’entrée en contact commercial constitue un test d’adéquation entre les hommes qui sacrifient à ce rituel d'interconnaissance.

En univers individualiste, sans respect mutuel il n’y a rien à faire.

Forme du premier contact


Il s’agit de la présentation des parties. Les premiers échanges au niveau de la phase contact peuvent porter sur tout et en général sur rien, c’est-à-dire sur des thèmes largement déconnectés de la question professionnelle. La conversation comportera de multiples digressions à titre privé, moult civilités et formules de politesse permettant de faire connaissance.

Les parties organiseront des convivialités, dont des déjeuners d’affaires, pour favoriser l’entrée en contact et faciliter l’interconnaissance.  

Durée du premier contact


La phase de contact sera nécessairement longue, le temps compte moins que la qualité de la relation humaine que l’on va établir.

En Allemagne une telle démarche est vécue comme une intrusion illégitime.

Connaitre : méthode de questionnement et d'analyse des besoins

Allemagne - Principe sécuritaire - l’engagement

Lorsque l'on vient voir un Allemand et qu'il nous consacre du temps, « wenn er  Zeit opfert », dans sa logique sécuritaire il s'attend à ce que la visite soit fondée, qu'en tant que « marketingman qualifié », on ait fait son métier, c’est-à-dire analysé le marché, la concurrence, et préparé une proposition « parfaitement précalibrée par rapport à ses besoins », que l’on est sensé avoir appréhendés préalablement.

Il s'attend à une offre bien cadrée et refusera de se soumettre à des interrogatoires approfondis.

Il faut s'Engager d'abord. Il sera possible de questionner ensuite. 

Si  questionnement il doit y avoir : ce sera après s’être soi même dévoilé, démarche que les sociologues Graham et Meissner nomment l’Engagement.

Sur le fond, la  Problem Solving Approach basée sur un intense  questionnement préalable, est opposée tactiquement à cette démarche marketing « Sécuritaire » de l’Engagement.

Cette phase du Connaître est donc passablement écourtée par rapport à la pratique française.

A la question : « Que puis-je pour vous ? », sommairement il sera généralement répondu implicitement : «  nous sommes dans un marché saturé, je n’ai besoin de rien, mais que faites-vous ici, qu'avez-vous à me proposer, pourquoi avez vous tenu à forcer ma porte ? ».

L’Allemand sera souvent surpris et irrité par les intenses questionnements préalables car il s’attend à ce que son vis à vis dévoile une proposition concrète.

L’Allemand souhaitant parvenir rapidement au but, il importe d’élaborer un support de communication sous la forme d’un dossier de présentation de l’entreprise du type « company profile » présentant tant l’entreprise que des produits et prestations ciblés et des références.

Il faut faire preuve de compétence ; il ne s’agit pas seulement de submerger son interlocuteur d’informations relativement aux potentialités, utilité et avantages de son offre, mais de décrire son produit jusque dans les moindres détails. C’est ce qu’on appelle une « approche orientée produit ».

On s’attend à une argumentation immédiate sur l’entreprise et ses produits. Eine « Unternehmenspräsentation ».


France - Principe individualiste 

Nous sommes caractérisés par une approche cartésienne, qui confère une rationalité critique, qui incite à maintenir son libre arbitre en toutes circonstances.

Un système d’ensemble qui  est présenté tel quel, en bloc, sera, à priori démonté, mis en contradiction, ne serait ce que par jeu.

Pour des  individus hyper rationnels que sont les Allemands ce genre d’attitude est un facteur de déstabilisation.

La vente doit être basée sur l'intégration des besoins et la prise en compte des particularités de l'autre.

Il ne s’agit pas de venir avec des solutions toutes faites, à prendre ou à laisser, mais d’engager un dialogue, une interaction visant à véritablement sonder les besoins, les problèmes,  cerner les motivations, les souhaits, les préférences, les envies, aspirations, sinon le « système de représentations » de l’autre, et ce, pour être certain de pouvoir répondre à son besoin, à son cas, être compatible avec son individualité nécessairement rebelle à toute solution standardisée. Toute proposition doit être ouverte pour  pouvoir être amendée, individualisée, adaptée à son cas.

Il en attend une participation conceptuelle active par rapport à son besoin et à la formulation d’une solution originale.

En conséquence, il faut donc chercher à connaître ce besoin par une écoute dynamique de l’autre, ce qui implique de questionner, questionner, questionner ....

Il s’agit d’élaborer une proposition en dialogue interactif avec l’autre.

Le questionnement


A cette fin, en univers individualiste,  a été développée toute une batterie de questionnement, un véritable art dialectique du questionnement que les sociologues américains, Graham et Meissner nomment : PSA. ou Problem Solving Approach

Il suffit de se remémorer les diverses formes de questionnement que les Latins enseignent pour se concrétiser le phénomène.

Il existe des questions ; fermées, ouvertes, et si le chaland ne répond toujours pas on procédera par sondage, puis par questions factuelles, orientées, alternatives, en retour, pour, enfin, pratiquer la reformulation active, passive..., et si, d’aventure, il ne s’exprime toujours pas, s’il ne craque toujours pas, il s’agira de pratiquer le silence... moyen de déstabilisation psychologique censé être à portée maximale.

Le questionnement doit être suivi d'une offre individualisée témoignant de la capacité de l’offreur à suivre l'autre dans l'expression de tous ses besoins, même les plus atypiques, démarche très « win win », démarche totalement fondée sur l’intuitu personnae, « parce que c’était lui, parce que c’était moi. » aurait dit La Boétie.

Ceci implique une grande capacité d'écoute et d’éviter la mise en avant de propositions banalisées et non individualisées. C’est une « approche orientée client / solution ».

Une telle démarche pratiquée systématiquement comment France fait qu’on sera remercié avant d’avoir pu la dérouler jusqu’à son terme.


Structure de l’offre

Allemagne


Les Allemands procèdent essentiellement sur base d’un catalogue d’offres standards.

En règle générale la proposition qui est élaborée reflète la solution idéale basée sur son propre savoir-faire et dans l’optique du « one best way » de Taylor.

La proposition est très détaillée et respecte strictement le cahier des charges. Tous les prix sont étudiés et calculés jusque dans le moindre détail.

Bien entendu l’Allemand proposera si possible des solutions standards maîtrisées, mais si les exigences du client divergent, il proposera des solutions standards avec de simples adaptations  « Abänderungen ».

France


L’individualiste privilégie les solutions personnalisées « tailor made solutions ». Il ne veut pas nécessairement de solutions standards.

Le Français veut être conseillé et refuse d’être influencé. Pour lui, il existe toujours plusieurs chemins qui conduisent au but. Il tient à se forger sa propre opinion.

Sa liberté d’action implique qu’il ne recherche pas seulement la soi-disant meilleure solution, le « one best way », même si cette solution est aux yeux du fournisseur la meilleure.

Souvent il n’avalisera pas la solution standard, et même la rejettera totalement. Il faut lui présenter plusieurs scenarios, c’est-à-dire une offre modulaire et flexible avec des options et des variantes, la solution modulaire.

Pour ce faire, il faut des commerciaux avisés, flexibles et dotés de solides compétences en communication.

En Allemagne ce type de démarche sera considéré comme douteuses dans la mesure où en proposant de multiples alternatives, on laisse le client en face de ses choix et, partant, de ses responsabilités qu’il n’aura qu’à assumer lui-même en cas de dysfonctionnement.

Cela est perçu comme du non professionnalisme.

Convaincre : méthodes d'argumentation et de persuasion

Le mode de raisonnement et d’argumentation des individus est lui aussi influencé par les facteurs culturels.

Allemagne - La « pensée focale » ou la « logique inductive »

L’objectif de l’entretien commercial étant non l’établissement de relations interpersonnelles mais l’optimisation de ses intérêts il est clair que les phases Contact et Connaître auront été  très écourtées et que l'essentiel de l'entretien doit être centré sur la présente phase dite d’argumentation, Convaincre.

Le temps est mesuré. Il faut donc rapidement en venir au fait et éviter les digressions de façon à pouvoir exploiter au maximum le peu de temps qui sera imparti à l'occasion d'un premier entretien.

L’ENGAGEMENT  implique de formuler une proposition claire et précise,  de manière ferme et définitive et non de la « maturer en continu » en l’adaptant aux besoins de son interlocuteur en fonction de ses sollicitations.  Il ne s’agit pas d’être souple et adaptable mais crédible par une démarche très professionnelle et très cadrée.

Ceci est en totale opposition avec la logique individualiste qui veut que l’on n’aille pas plus vite que la musique et pour laquelle ce type de démarche serait perçu comme trop directe et inconvenante.  Les Allemands ont d’ailleurs une expression élégante pour la qualifier : « mit der Tür ins Haus fallen ». (Tomber dans la maison avec la porte en mains).

Si les Français veulent d’abord savoir « à quoi ça sert », du côté allemand ce sera d’abord «comment ça marche».

Ils veulent d’abord de l’immédiatement concret et non du global. Ils cherchent des applications pragmatiques sans nécessairement vouloir les relier à un « tout » qui, de toute façon, les dépasse, compte tenu de la spécialisation des individus. Au demeurant ceux-ci n’ont que rarement la prétention de vouloir déborder de leur spécialité pour entrer dans l’intelligence globale de la marche de l’univers.

C’est la « pensée focale ». Leur mode d’argumentation sera essentiellement factuel, relevant d’un type de raisonnement dit  inductif (des faits d'abord)  partant des points de détail d’une application ou d’un système pour en arriver au « tout », le cas échéant.  En matière d’argumentaire commercial selon le schéma mnémotechnique CUA - caractéristiques, utilités, avantages clients, il s’agit donc d’évoquer d’abord les caractéristiques pour démontrer que la solution avancée à une base industrielle et technique solide.

Il s’agit d’introduire rapidement l’apport différenciateur,  la fameuse Usp (Unique Selling Proposition).  C’est la cerise « avant » le gâteau.

Il faut être exhaustif, détaillé, systématique et ne rien laisser au hasard, se livrer à un marathon informatif, livrer des faits, toujours des faits et encore des faits.  Tout doit être arrêté, défini et certain. Tout doit être pensé dans le moindre détail. « Der Teufel steckt im Detail » dit-on en Allemagne.

L’Allemand veut donc des faits tangibles, du concret, du pratique, de l’immédiatement exploitable. Il aura peu de propension  à gérer un conceptuel non-avéré, non rodé, non testé ... et n’apprécie guère le virtuel, l’immatériel. Tout ce qui n’est pas étayé par l’expérience et des références relève de l'irréel et de la catégorie des « spoutniks en bois ».

Il convient de ne présenter que des apports objectifs, des « Usp » parfaitement probants, c’est-à-dire fondés sur des techniques éprouvées, connues, reconnues, sélectionnés en fonction de références avérées. Il est déconseillé de l’approcher avec la Rolls Royce du futur, des projets n’ayant encore jamais vu l’ombre d’un début de réalisation ou de formalisation. De ce fait on s’interdit toute projection dans le futur. Il faut passer la main sur les rêves et les ambitions, pour prosaïquement mettre en avant ce que l’on a fait de mieux récemment. Il faut mettre en exergue les produits ou les savoir-faire pour lesquels on a le maximum de performance, ses domaines « d’excellence ».

Concrètement, tant qu’une entreprise n’est pas fournisseur référencé de longue date et a fait ses preuves dans le cadre de schémas fonctionnels courants, il y a très peu de chances qu’elle puisse proposer des innovations de fond.

Par ailleurs, lorsque l’on développe une argumentation, il faut bien entendu s’assurer d’être compris. Entre « Français » et « Allemands » la question  est majeure, car une rupture de communication peut très vite s’instaurer.

On est par nature plus intéressé par les fonctionnalités d’ensemble, devra faire particulièrement attention aux « besoins » des allemands qui vont très vite vouloir aller au fond des choses sur des points de détail particuliers.

Le fait que chacun se complaise à faire valoir sa science dans les dimensions professionnelles qu’il maîtrise parfaitement, ajouté à la « Quête de sécurité » conduit à avoir tendance à s’appesantir à loisir et à plaisir sur les questions relevant directement de sa zone de compétence. Il cherchera en outre à tester la réalité professionnelle de son vis à vis sur les points techniques qu’il maîtrise le mieux, sur les points où il est le plus en mesure de juger effectivement de la cohérence des argumentations qui lui sont soumises.

Ainsi, lorsqu’il cherche à creuser, à approfondir une question particulière, faut-il s’efforcer de donner réponse aux questions posées même si elles ne sont pas pertinentes pour le sujet nous concernant. Il faut considérer sa démarche comme un processus de vérification de notre fiabilité technique.

Si on ne maîtrise pas une question il faut éviter de se laisser aller à des assertions hasardeuses mais plutôt promettre une réponse ultérieure.

S’il creuse avec délectation les domaines techniques où ses compétences lui donnent un avantage, il pourra être tenté de balayer un peu hâtivement ceux où il est moins pourvu avec des « ich weiss » des « ist ja klar » un peu précipités et quelquefois péremptoires, il ne faut pas forcément en conclure qu’il faut passer outre et altérer son argumentation au regard des points en question.

L’attitude en cause peut simplement vouloir dire «  ce n’est pas mon domaine de compétence, passons, et par ailleurs je ne veux pas m’aventurer sur un terrain que je ne maîtrise pas ».

Là où on s’avérerait soucieux d’élargir sa gamme de compétence et se mettrait même aisément en situation d’infériorité en avouant innocemment son ignorance, on aura plutôt tendance à passer à autre chose.

France - L’argumentation individualiste - La « pensée globale » et la « logique déductive »

Les hommes se veulent en recul par rapport au quotidien et ne sacrifient à la compréhension mécaniste que s’ils ont perçu l’utilité du tout. Ils veulent connaître toutes les fonctionnalités d’un objet et ne s’intéressent à ses caractéristiques techniques que lorsqu’ils ont intelligé les avantages clients. Il s’agit d’une forme cartésienne de raisonnement partant du tout pour en arriver aux parties.

A quoi ça sert d’abord, comment ça marche ensuite.

De ce fait une argumentation commerciale ne sera crédible que si le prospect  a le sentiment que l’offreur a véritablement intégré une compréhension globale de son métier, qu’il a suffisamment pris de recul pour pouvoir lui proposer des solutions opérationnelles reposant effectivement sur une analyse véritable de ses besoins d’ensemble.

De ce fait, pour être crédible, il faut amener toute proposition particulière, après en avoir évoqué tous les considérants, après l’avoir dûment inscrite dans le « tout », après avoir décrit la problématique générale du prospect. C’est l’argument différenciateur comme fait ultime, « c’est la cerise sur le gâteau ».

Conclure

Identification de signaux d’intérêt

Allemagne


Les questions témoignent d’un intérêt véritable.
L’acceptation d’un nouveau rendez-vous ultérieur est un signe fort d’intérêt

France


Comment vérifier si l’interlocuteur est d’accord ou non avec l’argumentation ? Quels sont les véritables signaux d’intérêt ?

Les questions ne sont pas à considérer comme un signal d’intérêt. Montrer de l’intérêt n’est pas forcément assimilable à de l’enthousiasme, mais peut être simplement de la curiosité.

Le „oui“ français est plutôt une formule de politesse et non nécessairement une véritable approbation.

L’exclamation „Ah ca c’est bien!“ n’est pas non plus à considérer impérativement comme une approbation.

C’est pas mal“ („Gar nicht schlecht“), est plutôt péjoratif et cela signifie en fait „c’est pas mal, mais…“

C’est ce pourquoi il est très difficile pour les Allemands d’évaluer la situation.

 Style

Allemagne : la négociation séquentielle


Objectif de la négociation séquentielle

Les entreprises allemandes sont extrêmement spécialisées et en confrontation avec l’offre mondiale tant sur leurs marchés extérieurs que sur leur propre marché intérieur. Elles sont en situation de « concurrence universelle ».

Leur développement, voire le strict maintien de leurs parts de marché, leur impose de chercher à accéder à la technicité et aux facteurs de compétitivité les plus performants au plan mondial. De ce fait elles doivent optimiser toute négociation. Les acteurs économiques savent qu’ils ne peuvent survivre en tant qu’entité économique, que s’ils bénéficient de l’offre la mieux disante ou la plus avantageuse du marché. Aussi seront-t-ils strictement attachés à la recherche de points de performances précis pour leur entreprise. Il s’agit pour eux de pousser l’autre dans sa « performance maximale » et de mener une négociation poussée à l’extrême.

Les plus

L’instinct grégaire allié à la Quête de sécurité locale fait qu’on ne changera pas de fournisseur pour changer ou pour faire plaisir à une nouvelle relation d’affaires. Ne seront prises en considération que les offres présentant un « Plus », comportant un argument différenciateur, un avantage concurrentiel distinctif ...   (produit, quantité, conditionnement, prix, minimum de livraison, délai, service....).

Les minimums marché

Le jeu concurrentiel contraint les allemands à des attitudes maximalistes si bien qu’il faut non seulement un « Plus » sur une des composantes de l’offre, mais encore que tous les autres paramètres de l’offre soient dans le « minimum/marché », c’est-à-dire soient au moins équivalentes aux normes minimales du marché, autrement dit aux conditions commerciales dont ils bénéficient par ailleurs.

L’Allemand qui est un être exigeant mais aussi fortement ancré dans ses habitudes, n’acceptera que rarement une contrainte dérogatoire aux facilités usuelles du marché. Il cherchera à redresser les « Moins », tous les « Moins », pour amener le nouvel offreur à, s’aligner au minimum sur les pratiques courantes.

Les éléments de l’offre dérogeant au « mini-marché » seront l’objet de négociations les plus ardues et il ne servira à rien d’argumenter sur « l’équilibre global d’une offre ».

Si une offre doit comporter des « Plus », un « Plus » ne compense pas nécessairement un « Moins ».

Un « Plus », n’est pas une condition suffisante pour l’emporter, à moins d’avoir un avantage exorbitant portant sur un élément déterminant de l’offre, ce dont hélas, on ne dispose que rarement. L’Allemand pratiquera un véritable « Positional Bargaining », c’est-à-dire restera extrêmement ferme sur ses exigences au motif de « bei uns ist es so ».

France : la négociation globale


Lorsque les parties ont été cohérentes lors des deux phases précédentes et ont bâti « les piliers de la confiance »  par la constitution de liens personnels forts, sondé le fond des aspirations de leur vis-à-vis, que la phase « Contact » s’est bien passée et que, désormais, on est entre « amis», entre gens de bonne compagnie qui ont investi dans un véritable capital d'amitié et généré un intuitu personae véritable ; une fois le principe de la conjonction des volontés acquise, concernant les éléments constitutifs de l’offre, que sont :  produit, prix, conditionnement, rabais ristourne remise, unité de vente, délais, ...  les parties vont « créer le futur » ensemble.

Les aspects pratiques de la transaction seront précisés progressivement dans un processus où chacun s’alignera, s’adaptera, se mettra en phase avec l’autre, progressivement par le jeu de concessions mutuelles destinées à permettre un équilibre global de la transaction. Le cas échéant on « s’arrangera », chacun faisant un geste,  même si cela « ne l’arrange pas nécessairement ».

Le sociologue appelle cela la négociation globale 

Si l’évolution générale d’une transaction particulière fait que la balance entre avantages et inconvénients n’est plus favorable, plutôt que d’entrer dans une logique de Négociation/Opposition/Correction, ils peuvent très bien décider de l’abandonner parce qu’insatisfaits des choix qui leur sont offerts.


Extrait du livre "Le marché allemand aujourd'hui" Stratégie, vente et management
disponible chez https://bit.ly/2qnXt9y